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Dernières nouvelles des accélérateurs : défaillances surmontées, retour des antiprotons, et brillance retrouvée dans le LHC

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L'article publié le 10 mai vous informait que l'exploitation pour la physique avec antiprotons en 2023 était repoussée de 50 jours en raison d'un aimant défaillant dans la région d'injection du Décélérateur d'antiprotons (AD) (réduisant l’exploitation à 122 jours au lieu des 172 initialement prévus). En conséquence, la mise en service avec faisceau de l'AD était prévue pour le 12 juin et la livraison des antiprotons aux expériences AD-ELENA pour le 30 juin.

Toutefois, après un travail acharné de nombreux experts, le vendredi 1er juin à 11 h 58, c'est-à-dire 12 jours plus tôt que prévu, le responsable de l'aimant de déflexion rapide situé à l'injection a donné le feu vert à l'équipe Opérations de l'AD : on pouvait à nouveau injecter du faisceau dans l'anneau AD, étape qui marquait le démarrage de la mise en service avec faisceau. L'équipe Opérations de l'AD et les experts des équipements ont alors revu leurs agendas pour concentrer leurs efforts sur cette mise en service, afin d'avancer le démarrage de l'exploitation pour la physique. Le nombre de jours de physique perdu a ainsi été réduit, passant de 50 à 40, pour la plus grande satisfaction, bien sûr, des utilisateurs concernés, impatients de pouvoir mener à bien leurs expériences auprès de l'AD-ELENA.

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Le module à doigts RF (à droite) assure une connexion électrique de faible impédance (faible résistance) entre les chambres à vide du LHC. Lorsque cette connexion électrique n'est pas adéquate, cela affecte le faisceau, qui devient instable, perd en qualité ou subit des pertes entraînant parfois une éjection du faisceau. (Image: CERN)

Le reste de la chaîne d'injecteurs du LHC fonctionne de façon fluide pour le LHC et les expériences à cible fixe. Le LHC a néanmoins connu une chute temporaire de sa production de luminosité en raison du remplacement la semaine dernière d'un module à doigts RF dans la section de la machine située près de l'expérience ATLAS (point 1).

Dans la soirée du jeudi 25 mai, le faisceau du LHC a été éjecté lors de l'accélération, lors de deux remplissages consécutifs. Ces deux arrêts de faisceau ont été déclenchés par des « pertes localisées lentes » qui se produisaient à gauche du point 1. Des examens radiographiques et des études des pertes de faisceau ont conduit à la conclusion que l'un des modules à doigts RF situé dans une section chaude présentait un échauffement ou un arc électrique, ce qui produisait une dégradation du vide dans la zone et constituait la cause des pertes localisées lentes. La production de luminosité a été interrompue, et, pendant le week-end prolongé de la Pentecôte, plusieurs équipes sont intervenues dans le tunnel du LHC pour remplacer le module défaillant (et procéder à un nouveau pompage pour rétablir le vide). Déjà, dans la matinée du mardi 30 mai, des faisceaux ont été injectés et mis en circulation, afin de vérifier les conditions de vide. Dans la soirée, un premier remplissage, ne comportant que 700 paquets par faisceau, suivi d'un deuxième, avec 1 200 paquets par faisceau, ont permis une exploitation pour la physique tout en assurant le conditionnement de la zone du module à doigts RF nouvellement installé. Dans un deuxième temps, l'intensité du faisceau a été augmentée, passant à 2 400 paquets, puis la densité des paquets a été portée de 1,3x1011 protons par paquet à 1,6x1011 protons par paquet.

Jusqu'à nouvel ordre, et en attendant de mieux comprendre la cause de la défaillance du module à doigts RF, la densité des paquets sera limitée à 1,6x1011 protons par paquet. Actuellement, le régime de remplissage du LHC est à nouveau le régime par défaut, à savoir 2 400 paquets à raison de 1,55x1011 protons par paquet, ce qui produit près de 1 fb-1 par jour. À l'heure où j'écris, les luminosités intégrées pour ATLAS et CMS sont de 16 fb-1 pour chaque expérience, soit environ 5 fb-1 de moins que l'objectif, mais nous allons rattraper.

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* Les « pertes localisées lentes » se produisent lorsque certaines particules du faisceau s'égarent en certains points de l'anneau, en interagissant avec des molécules de gaz présente dans le vide dégradé.  Ce processus prend un peu de temps avant que le seuil déclenchant l'éjection du faisceau soit atteint.